JEAN COCTEAU MENTON

Le style de Menton


Gitane / Décor salle des mariages Jeune gitane

© Atelier lucien Clergue | © Adagp/Comité Cocteau, Paris 2018

Le 2 août 1956 : « Ce matin j’ai trouvé dans les épreuves de Clergue un motif pour mettre au-dessus de la fausse porte avec laquelle Brusset conseille d’équilibrer la vraie. Une jeune gitane qui regarde comme d’un balcon ou d’une branche d’arbre ».

Les clichés sont décalqués puis adaptés à l’échelle des murs. Cocteau choisira Clergue comme photographe de plateau de son dernier film, le Testament d’Orphée.


Cocteau aborde dans les années 1950 de nouvelles techniques dont les craies de couleur.

Au cours de son travail pour la salle des mariages, il commence à remplir ses études sur papier puis ses compositions murales de lignes sinueuses colorées. Il écrit à la fin du mois de juillet : « Cette nuit je ne pouvais pas dormir et j’ai inventé la méthode de travail pour les couleurs de Menton. J’achèterai chez Rontani (librairie du Vieux Nice) les craies de couleur qui n’avaient pu me rendre service pour la chapelle et je tracerai les lignes à la craie afin que le peintre les repasse au pinceau  ».

Le musée Jean Cocteau collection Wunderman conserve de nombreux dessins de cette période présentant ces motifs abstraits mêlés aux figures. Cocteau parle de « style de Menton ».

Il s’interroge sur l’origine de cette nouvelle manière : motifs décoratifs de l’architecture de la Belle Epoque sur la Riviera, emprunt à l’art africain « produisant des tatouages et des déformations physiques aptes à contrarier les formes naturelles jusqu’à leur substituer un monde imaginaire où l’homme commande ». Mais ces hypothèses ne le convainquent pas réellement.

Dans son journal, le 31 août 1956, il écrit : « Brusquement hier soir, [Édouard Dermit] m’a éclairé sur Menton et son décor qui me rappelait quelque chose que j’avais cru d’abord être les totems grecs de Cannes mais qui, une fois cette similitude trouvée, continuaient à me laisser en plein cirage. Cnossos ! C’est le style minoen et le faste des princes de la Crète, ce sont les lignes méandreuses des labyrinthes » observées dans le palais de Cnossos en juin 1952. « Tout se tenait, tout se mariait, tout s’épanouissait en lys et s’enroulait en volutes ».

A propos de ces lignes, de cette poésie graphique, il précise : « Je n’ai pas voulu empiéter sur le travail des peintres. J’ai fait un travail d’écrivain et c’est pourquoi toutes ces lignes, c’est de l’écriture dénouée. Je ne crois pas que j’offense aucun peintre... J’ai voulu faire un travail de poète et je suis resté dans mes limites. Ce qui m’importe c’est la vie de la ligne. Quand je dessine, moi, c’est de l’écriture dénouée et renouée lentement. Et ma ligne peut être vivante ou morte. Le dessin est bon si l’écriture est vivante. Une ligne est en danger de mort tout au long de son parcours.  »